Un acte presque impossible à prouver. Un acte presque impossible à décompter. Un acte commis dans l’intimité. Mais aussi… un acte commis pour nuire et détruire.

Rares sont ceux qui en parlent, qui le décrivent ou qui le considèrent comme une violence extrême. Il est une des principales lacunes dans l’historiographie française. Pourtant, depuis le début du XXe siècle, le viol est systématique dans les guerres. Que ce soit pendant les guerres mondiales ou les guerres de décolonisation, en Afrique, en Asie ou Occident, les femmes et enfants ont été les victimes de ces actes. 

Mais, qu’est-ce réellement un viol dans un contexte de guerre ? Pourquoi est-ce utilisé comme un outil stratégique ? 

  • Le viol de guerre

Le viol est qualifié comme un outil de guerre dès lors qu’il est planifié par un organisme politico-militaire et qu’il est utilisé de manière stratégique. Ainsi, si le viol en lui-même est difficile à prouver, un viol de guerre l’est davantage. Même s’il est commis par l’armée, il ne peut pas être qualifié comme viol de guerre tant que la planification à l’échelle de l’organisation n’a pas été prouvée. 

Ainsi, très souvent, on a décompté les morts et les blessés, le nombre de bombardements, le nombre de migrants mais on a très peu parlé du nombre de viols commis. Pourtant, ils restent une des stratégies les plus utilisées pour traumatiser en profondeur la population sur le long terme. Ils conduisent notamment aux suicides d’une partie des victimes, absents des bilans de morts. 

Cependant, le concept de viol de guerre a commencé bien avant les guerres totales du XXe siècle. Les femmes ont été des cibles de guerre dès le début de notre civilisation. Utilisées comme des objets de reproduction ou des richesses, elles ont souvent été kidnappées, violentées, violées, proposées comme monnaie d’échange ou encore réduites à l’esclavage. L’enlèvement des sabines est un des faits historiques les plus marquants dans l’histoire des violences faites aux femmes car la violence a été directement et indéniablement dirigée vers elles. 

  • L’Ukraine

Dimanche 3 avril, l’ONG Human Rights Watch a révélé dans un rapport les viols commis par l’armée russe sur le sol ukrainien. Dix femmes y racontent les atrocités qu’elles ont vécues : viols en réunion, viols armés, et viols devant leurs enfants. Selon leurs témoignages, les soldats russes vérifiaient la journée qui vivait dans les maisons pour revenir le soir, tuer les hommes présents et violer les femmes et enfants s’y trouvant. Certains cassaient ensuite les dents des femmes.

Chacune explique comment s’est déroulé le viol. Toutes sont traumatisées et requièrent une aide psychologique. Mais la plupart ont déjà perdu la vie. L’une des scènes qui appuient actuellement leurs discours est la photo publiée par Mikhail Palinchak. Elle montre les corps nus et sans vie de cinq femmes, laissés au sol. 

Leurs témoignages surviennent plus d’un mois après le début de la guerre et sont actuellement l’objet d’une enquête pour déterminer si oui ou non il s’agit d’un acte de guerre ou de cas dits « isolé ». 

  • Le bilan dont on ne parle pas

Même en période de guerre où la vie de chacun ne tient qu’à un fil, les inégalités existent et s’intensifient. Le sort réservé aux femmes et aux enfants se distingue de celui des hommes. On l’entend souvent : « les femmes sont les premières victimes de guerre ». En effet, les femmes sont très majoritairement les premières victimes de violences sexuelles en période de guerre. Elles sont aussi les moins entendues et reconnues dans les bilans. 

Parmi toutes les inégalités qui subsistent et qui existent, une autre est soulignée dans le contexte de la guerre en Ukraine : le racisme. La couleur de peau serait un argument pour laisser entrer ou non les Ukrainiens dans le train les aidant à fuir le pays. 

Finalement, la guerre, connue pour tout faire basculer, laisse tout de même au premier plan les maux que la société a toujours connus. Elle les exploite, les ravive, et les expose crûment.

Par Salomé Le Pape