Dans un contexte déjà extrêmement sous tension avec la mort de 14 Israéliens dans des attaques terroristes depuis le mois de mars, des affrontements entre jeunes palestiniens et police israélienne ont éclaté dans un lieu hautement symbolique, l’esplanade des mosquées.

  • Point sur la situation

Pour comprendre cette crise, penchons-nous sur la situation à Jérusalem. La ville regroupe les lieux saints des 3 religions du livre : le Saint-Sépulcre pour le christianisme, le Mur des Lamentations et le Mont du Temple pour le Judaïsme, le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa sur l’esplanade des mosquées pour l’Islam. Le Mont du Temple est le lieu le plus sacré du Judaïsme, c’est ici que se trouvait selon la tradition juive, le temple de Jérusalem détruit en 70 et duquel il ne reste que le mur occidental ou mur des lamentations. Pour les musulmans, il s’agit de l’esplanade des Mosquées, avec son lieu saint, la Mosquée Al-Aqsa ainsi que le dôme du rocher. Le dôme du rocher est un sanctuaire construit à la fin du VIIème siècle sur ordre du calife. Sous ce dôme se trouve « le Rocher de la Fondation », il représente pour les Juifs le lieu à partir duquel Abraham aurait emmené son fils Isaac à Dieu et pour les musulmans, il s’agit de l’endroit à partir duquel Mahomet se serait élevé au ciel. D’où l’apparition de premières tensions religieuses quant à la revendication de ce rocher. Voilà pour le point historique et religieux, maintenant sur le plan politique, Israël contrôle la vieille ville de Jérusalem depuis 1967 mais ne gère pas administrativement les lieux. Ces derniers sont gérés par le Waqf de Jérusalem, une fondation créée par Saladin au XIIème siècle et qui dépend du Royaume de Jordanie. Israël n’administre donc pas ce lieu et n’a pas l’intention de le faire.

L’esplanade des mosquées (ou Mont du Temple) avec le dôme du rocher (coupole dorée), la mosquée Al-Aqsa (coupole grise), surplombant le mur des lamentations
  • Crise

Depuis plusieurs mois, de plus en plus de juifs extrémistes prient chaque jour au Mont du Temple (où se situe l’esplanade des mosquées et le dôme du rocher). Or, cette action est interdite depuis 1967 et la signature du statu quo de l’esplanade des mosquées. Ce texte a pour but de faire baisser les tensions dans ce lieu, il y est écrit que le Waqf de Jérusalem administre le lieu et garantit l’accès aux non-musulmans à condition que ces derniers ne prient pas. Ces regroupements de juifs extrémistes sur l’esplanade des mosquées ne passent donc pas, d’autant plus que ces derniers sont escortés par la police israélienne pour éviter les tensions. Mais voilà, entre une police israélienne (qu’elle soit arabe ou juive) complaisante et un Waqf impuissant et discret, les prières non musulmanes à l’esplanade des mosquées sont devenues courantes. Et cette action ne passe pas auprès des nombreux croyants musulmans, ils y voient là la main mise d’Israël sur les lieux saints. En effet, ces prières ont pris une grave tournure politique, l’esplanade de mosquées est un des rares endroits où peuvent se réunir les palestiniens fuyant l’emprise de l’Etat d’Israël. L’étincelle vient alors de la Pâque juive, au cours de laquelle les juifs sont arrivés en très grand nombre sur l’esplanade des mosquées, à tel point que la police a dû empêcher l’entrée aux musulmans afin de sécuriser le lieu. Les juifs sont à présent interdits de s’y rendre et ce jusqu’à la fin du ramadan, le 1er mai. Il s’en suit de graves troubles et des heurts sur l’esplanade des mosquées entre palestiniens et force de l’ordre israéliennes. 

  • Ce que nous apprend la crise

Cette crise nous révèle donc la faiblesse du Waqf, incapable de faire respecter les règles sur l’esplanade des mosquées, faiblesse qui va de pair avec celle de l’Etat dont il dépend la Jordanie, impuissante face à l’Etat d’Israël. Elle nous montre également la prise d’importance croissante des groupes juifs extrémistes et l’impuissance du gouvernement israélien vis-à-vis de ces groupes, impuissance qui se transforme de plus en plus en complaisance notamment sous la gouvernance de Naftali Bennett, chef du parti d’extrême droite Yamina. Impuissance couplée d’une grande fragilité puisque son alliance gouvernementale ne tient qu’à 1 député (51 contre 50). Toutes ces situations poussent encore plus à un enlisement de plus en plus irréversible avec des torts partagés entre les deux parties et où comme dans chaque conflit, ce ne sont ni les responsables Israéliens ni Palestiniens qui en subissent les conséquences mais bien les populations civiles. D’autant plus qu’un terrain d’entente s’éloigne à mesure que les parties se radicalisent et tirent de plus en plus vers l’extrémisme.

Le dôme du rocher

Par Alexandre Côme