« L’accouchement est douloureux. Heureusement, la femme tient la main de l’homme. Ainsi, il souffre moins ».

(Desproges, Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis).

Aussi caricaturale soit-elle, cette description illustre assez bien la vision encore patriarcale de notre société sur le rôle des parents en fonction de leur genre. 

Dans un couple dit « traditionnel » un homme qui prendrait pleinement ses responsabilités de « père » en posant un congé paternité égal à celui de sa conjointe serait remarqué et probablement félicité pour sa modernité. Aucune visibilité, en revanche, n’est accordéE aux femmes qui arrêtent de travailler, temporairement ou définitivement, pour s’occuper de leurs enfants, alors qu’elles le font depuis la nuit des temps.

En fonction du genre du parent, ce qu’il ou elle fait pour son enfant est trop souvent perçu de manière différente : l’homme au foyer est un « papa moderne », un partenaire investi et impliqué qui aide son conjoint. La femme au foyer, elle, ne fait qu’occuper un rôle qui lui est traditionnellement dévolu et socialement déconsidéré. 

Attention, il n’est pas question de critiquer les pères qui décident de s’occuper de leurs enfants, au contraire, c’est un vrai progrès de constater que la conception archaïque du couple : « l’homme au travail, la femme à la maison » disparaît peu à peu. Seulement voilà, comme souvent quand il s’agit de féminisme, les médias n’en font pas assez là où il faudrait et trop là où ça ne sert à rien. Est-ce normal d’acclamer les pères qui s’occupent de leurs enfants alors que les femmes font ça depuis toujours sans trompette ni confettis ?

Depuis des siècles, ce sont aux femmes qu’incombe la tâche d’élever les enfants, pour lesquels elles doivent trop souvent, volontairement ou non, renoncer à leurs études ou leur carrière 

Le premier congé maternité (non rémunéré) est instauré en 1909 et dure 8 semaines. Ce n’est qu’à partir de 1975 que ce congé sera rémunéré à 100%, allongé à 16 semaines et concernera toutes les salariées, modalités qui sont toujours en vigueur en 2021. 

Et les pères alors ? Depuis 1946, ils bénéficiaient gracieusement de 3 jours de congé seulement, à la naissance de leur enfant, et il faut attendre 2002 pour qu’on leur octroie 11 jours (qu’ils ne sont pas obligés de prendre). Enfin depuis le 1er juillet 2021 la durée du congé paternité est passée à 28 jours mais dont seulement 4 sont obligatoires (à titre de comparaison, les femmes sont tenues de prendre 8 semaines minimum).

Si on constate une réelle évolution de la place du père dans les familles hétérosexuelles, il subsiste néanmoins un fossé énorme entre les congés maternités et paternités, ce qui contribue à renforcer la discrimination à l’embauche et au travail.

En effet, cet élan paternel n’est vraiment pas bien accueilli par les entreprises. D’après le journal Le Monde, moins de 1% des pères prendraient un congé parental à plein temps. Les causes de ce phénomène sont faciles à identifier : même si le congé paternité se popularise, il est loin d’être intégré par tous… Certains pères estiment qu’ils n’ont pas besoin d’arrêter de travailler si leur conjoint le fait déjà.

Et quand cette vision rétrograde ne vient pas des pères eux-mêmes, elle est parfois ancrée dans l’esprit des employeurs. En effet, si la discrimination à l’embauche entre les femmes et les hommes existe, c’est en partie en raison de la maternité. Si d’emblée, certains recruteurs désavantagent les femmes à cause d’un congé maternité potentiel, ils risquent bientôt de procéder à la même discrimination à l’égard des hommes qui envisagent de mettre en pause leur carrière quand ils auront un enfant. 

Il faut aussi prendre en compte la pression professionnelle.

Cependant, il est important de ne pas totalement occulter le problème économique que posent les congés dits de parentalités. Quand on sait que certains congés peuvent durer jusqu’à 36 mois, on comprend mieux la réticence des employeurs vis-à-vis des réformes proposant un allongement des congés maternités et paternités. 

Pourtant il ne s’agit pas tant d’allonger la durée totale du congé parentalité mais seulement de mieux la répartir. Si les pères prenaient un peu plus de temps pour s’occuper des enfants à la naissance cela allègerait la charge de la mère qui pourrait alors avoir le choix : retourner travailler ou bien rester à la maison par envie et non par contrainte. 

Ainsi, avec un temps de congé équitable la discrimination causée par la maternité serait grandement diminuée. C’est pourquoi l’allongement du congé paternité représente un réel progrès. 

Certes, la France pourrait mieux faire (en Suède, par exemple, il est question de 13 mois à répartir entre les conjoints dont deux sont réservés au père), cependant il ne faut pas nier sa progression : en un siècle, les congés maternités et paternité ont connu une évolution extraordinaire, alors que personnes ne savait ce que c’était au début du 20e… 

Enfin, il est important de rappeler que traiter uniquement du cas des familles hétérosexuelles revient à seulement effleurer le problème des congés maternités et paternités. Qu’en est-il des familles monoparentales, homosexuelles ou adoptives ? La gestion des congés parentaux en France est loin d’être réglée mais ce qui est clair, c’est qu’elle évolue dans le bon sens.

Par Joséphine Bernier