La peur ou le déni ? Dois-je vraiment choisir ? Je ne veux pas savoir si j’aurai la même vie dans dix ans. Je ne veux non plus imaginer ne pas pouvoir acheter des vêtements sans culpabiliser, de laisser le robinet ouvert un peu trop longtemps sans compter le nombre de litres que j’ai pu gâcher… Je ne veux pas être responsable de l’ouragan qui dévaste tout à des milliers de kilomètres de chez moi. Je ne veux peut-être pas non plus y croire. Et si je n’étais pas la seule personne à penser ça ?
Bien que les scientifiques mettent en lumière toutes les conséquences du réchauffement climatique et alertent sur le monde de demain, la médiatisation fragilise leurs discours et les tourne même en ridicule. Certains quittent les plateaux de télévision en larmes, d’autres perdent espoir et cherchent du profit, quitte à mentir et se trahir. Adams McKay l’a remarqué et a voulu le dénoncer. Son film Don ‘t Look Up, applaudit par beaucoup, pointé du doigt par d’autres, est une métaphore de la crise du réchauffement climatique, une manière de nous forcer à prendre conscience de ce qu’on fait sans parler d’un sujet dont on se détourne.
- Résumé
Le professeur d’astronomie, Dr Randall Mindy (Leonardo Di Caprio), et la doctorante, Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence) découvrent ensemble qu’une météorite arrive droit sur la Terre et est sur le point d’anéantir l’humanité. Ils alertent les autorités, les politiciens ainsi que les médias mais rien ne se passe. L’urgence s’amplifie, jour après jour, semaine après semaine. Kate Dibiasky finit par crier sur le plateau de télévision, dévastée par le manque de sérieux des journalistes alors que Mindy choisit le déni et se prend au jeu des médias. La réaction politique est bien différente. Les politiciens se sentent concernés par le sujet mais pas de la manière attendue. Ils cherchent les bénéfices qu’ils peuvent tirer de la situation en pleine campagne électorale. Les industries technologiques y voient eux aussi une opportunité pour le progrès et le profit. Quant au reste de la population, ils se divisent, se ralliant à des scientifiques qui ne sont pas spécialisés en la matière, à des philanthropes, des influenceurs, ou des conspirateurs. L’enjeu semble alors être de savoir qui a raison avant de réfléchir à une solution, et combien on peut en tirer quand le risque est de tout perdre.

- Réalité ou fiction ?
Le réalisateur, Adam McKay, a voulu avant tout dénoncer la réaction des personnes face au réchauffement climatique. Selon lui, le monde se limite au court terme sans prendre conscience du long terme. Mais la pandémie, l’action des médias et des politiciens ont changé son point de vue. Certes, nous nous limitons au présent mais nous cherchons aussi à décrédibiliser l’analyse scientifique qui nous rappelle à l’ordre. « Buvez du gel hydro alcoolique, ça éliminera le virus », « vous êtes sûr de vos analyses ? A combien de pour cent ? », « Je ne crois pas au changement climatique. C’est juste la météo ! ». Finalement l’urgence climatique n’est qu’un sujet bateau qui n’intéresse personne. Mais si elle devenait une météorite ? Si la crise climatique devenait la cause de la destruction de la vie sur Terre ? Comme à l’ère des dinosaures ? Plus frappant, plus réaliste, plus cinématographique, la météorite intéresse davantage. Elle n’en reste pas moins une métaphore de la crise climatique avec des conséquences semblables pour la vie sur Terre et pour l’environnement. Le film met donc en scène la destruction massive d’il y a 11 000 ans en l’appliquant de nos jours. Mais alors, quelle réaction aurions-nous eu ?
Adam McKay a pensé chaque personnage en fonction des figures du monde actuel. La présidente Janie Orlean interprétée par Meryl Streep serait une représentation de Donald Trump dans le corps de Sarah Palin, politicienne médiatisée du parti républicain. Le personnage de Peter Isherwell (Mark Rylance), dirigeant de BASH Cellular, serait quant à lui un mélange de Steve Jobs et d’Elon Musk. Certaines scènes sont également inspirées de la réalité comme celle où le Dr Randall Mindy se met à pleurer sur le plateau de télévision. En effet, George Mondiot, militant écologiste en Grande Bretagne, a perdu le contrôle dans l’émission « Good Morning Britain » suite à la COP 26 qui se tenait à Glasgow. Ces ressemblances apportent de la crédibilité au scénario. Adam McKay suggère donc que si la catastrophe de la météorite avait eu lieu aujourd’hui nous n’aurions pas été capables de nous en sortir car nous ne sommes pas capables de lutter contre les éléments qui remettent en cause notre survie.
Le film nous avertit ensuite sur les limites de la science. Randall Mindy explique à plusieurs reprises que les scientifiques sont spécialisés dans des domaines bien précis. Aucun d’entre eux ne peut être légitime de parler d’un sujet dont il n’est pas lui-même l’expert. En effet, que ce soit sur le sujet environnemental ou la crise sanitaire, les entrepreneurs et ingénieurs ne peuvent prendre la place des médecins ou climatologues. La scène finale est aussi une critique d’une réaction populaire, celle de la solution technologique. Selon le réalisateur, le monde ne peut se reposer sur la technologie car, en cas d’échec de celle-ci, il sera trop tard pour agir.
Si ces messages sont clairs pour les téléspectateurs, de nombreuses critiques sur le film ne sont pas négligeables, à commencer par celle de la métaphore. Certes, l’anéantissement de la population par une météorite est un message puissant mais la réalité du réchauffement est plus complexe. La crise environnementale s’étend sur des décennies tandis que l’impact de la météorite est un enjeu très court. Ainsi, la lenteur de la réponse politique et l’impression d’indifférence de la part des médias peuvent être relativisées. Le film Don ’t Look Up est aussi centré sur les États-Unis alors que la crise environnementale nécessite l’action de tous les pays dans le monde. La complexité géopolitique n’est donc pas abordée, bien que ce soit un des enjeux majeurs de cette crise. Don ‘t Look Up, bien que marquant, reste ainsi une fiction avec de nombreuses limites.